J'aime bien
Maria Angels Anglada
Auschwitz, 1944. Les privations et les coups. Les humiliations
s’enchaînent, les hommes sont traités comme des chiens, déshumanisés,
ils n’existent aux yeux de leurs persécuteurs que comme des numéros
échangeables, de la main-d’œuvre peu chère. Un prisonnier juif, Daniel,
y lutte pour la survie de son âme. Surprenant un concert organisé par
Sauckel, le commandant du camp passionné de musique classique, Daniel
révèle son talent de luthier pour sauver son ami Bronislaw, violoniste
de génie. Il va alors être mis à l’épreuve et devoir construire un
violon imitant le son d’un Stradivarius. Tentant d’oublier pour
quelques instants la faim, le froid, l’horreur, Daniel comprend vite
que de la construction de ce violon dépendent leurs vies. Tragique
ironie du sort, il va ainsi éviter les expériences de Rasher, le
médecin machiavélique.
Mêlant subtilement réalité historique et
fiction, les chapitres s’ouvrent sur des documents : lettres, rapports
qui viennent interrompre le récit à la manière d’une pause – glaçante.
Petite et grande Histoire s’entremêlent et se fondent dans une danse
fatale et poétique, entre la cruauté et la dignité, deux partenaires
aussi rivaux qu’inséparables, pourtant inhérents à la nature humaine.
À
la manière d’une partition musicale, tout vibre et sonne dans le texte,
avec des crescendos que constituent les silences, silences irréels qui
laissent le lecteur paralysé et sans voix.
Dans la tradition
littéraire d’un Primo Levi, Maria Àngels Anglada offre ici une belle
résistance à l’horreur en lui imposant l’amour de la musique. L’art
comme possibilité de faire vivre la mémoire.